Le monument du souvenir |
Le 7 mars 1919 M. Joseph Leclerc, adjoint, assumant les fonctions de maire de Rolampont depuis le décès de M. Henry Pierre Desgrés (décédé le 3 novembre 1916), en ouvrant la séance du conseil municipal, donne connaissance du montant de la souscription par les habitants de la commune en faveur de l'érection d'un monument à la mémoire des soldats du pays morts pour la France durant la Grande guerre. Elle s'élève à la somme de 3 938 F.
Le conseil nomme ensuite une commission composée de quinze personnes qui avec les élus fera le choix d'un emplacement convenable pour l'érection du monument. Il est décidé que les fonds recueillis et destinés au projet seront déposés entre les mains du Receveur municipal qui devra les employer à l'acquisition de bons de la Défense nationale, en attendant le moment de la réalisation des travaux.
Le 3 janvier 1920, le nouveau maire, M. Arthur Batoux, à l'occasion d'une séance du conseil municipal, informe de la circulaire préfectorale du 26 décembre 1919 relative "au monument commémoratif aux morts pour la patrie". Il indique que la dépense nécessaire à l'érection du monument projeté sera d'environ 18 000,00 F.
Le montant total des souscriptions recueillies dans la commune est alors de 5 400,00 F. Le crédit de 7 000,00 F inscrit pour la dépense à l'article 54 du budget additionnel de 1919 s'avère insuffisant. Le maire propose d'augmenter ce crédit par un nouveau crédit à prendre sur les ressources disponibles de la commune. Il souligne cependant que ces fonds disponibles ne seront pas considérables étant donné les dépenses programmées pour les réparations urgentes des bâtiments communaux. Il propose alors au conseil municipal de solliciter une subvention de l'Etat au titre de l'article 5 de la loi du 25 octobre 1919. Le conseil accepte cette proposition.
Le 18 septembre 1920, le maire fait part au conseil municipal de la circulaire préfectorale du 1er septembre 1920 portant à la connaissance des municipalités des instructions de M. le ministre de l'Intérieur relative à la loi de finances du 31 juillet 1920 qui fixe en son article 81 les conditions dans lesquelles des subventions de l'Etat seront accordées aux communes pour les aider à l'érection de monuments aux morts de la Grande guerre et établit les barèmes qui devront servir au calcul de ces subventions. Pour la commune de Rolampont s'appliqueront les barèmes suivants :
-
barème n°1 : 52 morts sur 1 214 habitants, soit 4,28%,
- barème n°2 : valeur du centime communal, 127,34 ; soit 10,48
pour cent habitants.
Aussi, le conseil municipal sollicite une aide de 6 000 F.
Le dossier relatif au projet est adressé en Préfecture.
En décembre 1920, le dossier relatif à l'érection du monument aux morts de la Grande guerre est retourné au maire de Rolampont par M. le Préfet de la Haute-Marne avec les observations de la commission spéciale.
En effet dans sa réunion du 25 novembre 1920 la commission a signalé "la mauvaise proportion du socle par rapport à la pyramide".
M. le Préfet demande que l'auteur du projet soit appelé à le modifier sans retard.
Le conseil municipal, dans sa séance du 9 décembre 1920, "reconnaît le bien fondé de l'observation de la commission et regrette de ne pas s'en être aperçu plus tôt".
Il est fait ensuite la remarque suivante : "ce monument ayant l'aspect d'une colonne plutôt que d'une pyramide et devant être érigé sur une petite place, le conseil ne pense pas que l'effet puisse beaucoup choquer l'esthétique".
L'assemblée municipale rappelle les 53 morts pour la Patrie de Rolampont et le fait que "malgré ses faibles ressources la commune s'est imposée un gros sacrifice pour commémorer le souvenir de ses enfants".
Elle précise que le monument commandé en 1919, est achevé et sera expédié sous peu à Rolampont et demande alors à la commission spéciale de vouloir bien revenir sur sa décision car, "en demandant de modifier le socle, qui est un bloc de granit assez important sur lequel sont gravés les 53 noms de ses morts, elle craint d'être entraînée dans de très grandes dépenses".
Le devis
des travaux préliminaires à l'érection du monument, établi
par l'agent voyer, s'élève à la somme de
5 300 F (conseil municipal du 26 mai 1921).
L'affaire Boiteux
le 13 février 1921, le conseil municipal découvre une lettre de M. Boiteux, sculpteur à Juzencourt, informant M. le Préfet qu'il a dressé en 1919, sur la commande de la commune de Rolampont, un projet de monument commémoratif et qu'il lui est dû de ce fait la somme de 133 F comme honoraires.
Le conseil
municipal considère ne pas avoir eu connaissance du fait que la
commune de Rolampont ait demandé à M. Boiteux d'établir un
projet de monument en 1919.
(L'on doit savoir ici que la municipalité a
été renouvelée le 10 décembre 1919 à l'issue des scrutins
des 30 novembre et 7 décembre 1919.)
Les élus se présentent comme "tout surpris de lire que le dit M. Boiteux aurait fait une démarche sur place pour examiner le terrain d'emplacement avec une commission de l'ancien conseil municipal et que son projet aurait été accepté en principe". Ils demandent en outre à M. Boiteux "de justifier de sa requête par la production de pièces constatant qu'il avait été réellement chargé du projet par l'ancienne municipalité au nom de la commune, les faits allégués n'étant pas connus du conseil actuel. La requête de l'intéressé étant pour l'heure écartée".
Le 26 mai 1921, le conseil municipal confirme sa décision du 13 février 1921.
L'inauguration du monument du souvenir aura lieu le 16 octobre 1921.
"Ce fut une belle fête, réussie en tous points, comme elle méritait de l'être. Elle eut lieu le dimanche 16 octobre.
Depuis huit jours on travaillait ferme dans les salles de l'asile communal, où se trouvaient mélangées en un commun accord dames, demoiselles, artistes et simples ouvrières. De cet effort commun et assidu il est sorti une merveille : un arc de triomphe superbe, irréprochable au point de vue de l'art, dû au crayon de M. Brûlé, ingénieur, où l'or et la verdure se mariaient harmonieusement avec nos trois couleurs. Les emblèmes glorieux de nos poilus : Croix de guerre, Médaille militaire, Légion d'honneur, reproduits par une main habile et discrète, sont d'un effet saisissant. Cet arc de triomphe est dressé à l'entrée de la grande place où a été érigé la majestueuse pyramide toute en granit des Vosges, qui porte gravés en lettres d'or les noms de nos 52 soldats morts au champ d'honneur. Une bordure de sapins entoure le monument. Des engins de guerre autrefois redoutables, aujourd'hui inoffensifs : minenwerfers, mitrailleuse, fusil-mitrailleur, la gueule tournée face à l'Est, encadrent la stèle et lui donnent un aspect guerrier tout à fait de circonstance.
M. Dessein, député, qui a promis sa présence, a annoncé aussi qu'il ne serait libre que jusqu'à 13 heures. La municipalité, pour lui être agréable, a réglé son programme de façon à ce que tout se passe dans la matinée. On commence la cérémonie par l'inauguration, à l'école des garçons, d'une plaque commémorativeen l'honneur de M. Aimé Petit, instituteur, la première victime de la guerre à Rolampont.
A 9 h 30, le prêtre, vêtu du surplis et de l'étole, s'avance sur la place et en présence des parents et amis des chers disparus, bénit solennellement le monument, puis revient suivi d'un nombreux cortège à l'église, où doit se célébrer le service religieux demandé par les parents et la municipalité.
Le décor intérieur de l'église, qu'il est inutile de décrire, l'assistance énorme, en tête de laquelle on remarque les parents des héros du jour, puis la municipalité, le député, le conseiller général, le conseiller d'arrondissement, les anciens combattants, les vétérans avec leurs drapeaux, la Fanfare Rolampontoise, les chants exécutés avec art et ensemble parfait par les demoiselles du Patronage, l'allocution de M. le Curé sur ces paroles du Maître divin : "Aimez-vous les uns les autres", tout contribua à donner à ce service religieux un caractère de recueillement et de majesté qui fit une profonde impression sur tous les assistants. Oh ! que la France est belle quand elle est ainsi unie !
10 h 30. C'est l'heure de l'inauguration officielle. Le service religieux vient de s'achever par une absoute solennelle ; la foule s'écoule lentement et bientôt, aux accents entraînants d'une marche jouée par la Fanfare, se dirige vers la place où doit se dérouler le quatrième acte de la cérémonie.
De nombreux discours furent prononcés : le premier par M. Renard, adjoint ; le dernier par M. Dessein, député. Il serait trop long d'essayer de les analyser ; tous furent beaux, vibrants d'éloquence et d'appels au patriotisme ou à l'union. Mais rien n'émut la foule autant que cet appel long et tragique des 52 héros, fait par le lieutenant Brosser, à qui comme un écho lointain une personne du milieu de la foule répondait : "Mort pour la France ! " L'ode de V. Hugo "Aux Morts glorieux" fut parfaitement interprétée par les enfants des écoles, sous l'habile direction de leur maître, M. Prodhon, et écoutée avec un religieux respect par toute l'assemblée.
11 h 30 viennent de sonner. Les derniers discours, les derniers chants sont achevés, la musique entonne un air connu : "la Madelon", c'est la dispersion. Pendant que la foule se retire, emmenant chez elle ses nombreux invités venus quelques-uns de bien loin, un vin d'honneur est servi à l'hôtel Briot aux parents, aux autorités, aux vétérans, aux anciens combattants et à la musique.
A 12 h 15, les drapeaux sont reconduits solennellement à la mairie ; une dernière présentation d'armes et la fête est finie. Point de banquet, point de bal, comme cela a lieu dans beaucoup de localités. Le public, de bon aloi pour la circonstance, respectera le grand deuil des trop nombreuses familles du village ; et tout le reste de la journée se passera en pieux pélerinages au monument public, au monument de l'église et aux tombes des militaires ramenés récemment du Front.
Belle journée à inscrire au livre de l'histoire du pays, et qui fera honneur à la population de Rolampont ! "
E.G., bulletin paroissial de Rolampont, Lannes & Chanoy, novembre 1921.
Sources : Archives communales
crédit
photographique Alalla © juillet 2000
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© 16.02.2000 - MAJ : 5/11/2009