L'ÉPIDÉMIE DE SCARLATINE DE 1812

" (...) Il y eut à Langres, dans le courant de 1812, une scarlatine fort répandue, dont j'ai parlé dans le 4e tome du journal de médecine et chirurgie de Paris, et que je passerai par conséquent sous silence. Mais il en parut également une épidémie dans le courant de la même année à Rolampont, village dont j'ai déjà fait mention dans mon mémoire sur la rougeole.

Cette grosse commune, qui est située à un myriamètre Nord-Ouest de Langres, et qui a une population de 1.120 habitants, est baignée en partie par les eaux de la Marne. Les vents y circulent assez bien, particulièrement du côté de l'Est et du Nord-Ouest ; mais les rues sont ordinairement fort malpropres, remplies de boue, surtout en hiver. Il y a d'ailleurs en cet endroit beaucoup de pauvres gens, et les habitants penchent vers l'ivrognerie : ils fréquentent journellement les cabarets, ce qui ne contribue pas peu à les plonger dans l'indigence, et à les énerver.

L'eau dont on fait usage dans ce lien est séléniteuse ; cependant on peut l'employer sans danger. La température y est plus douce qu'à Langres, et le baromètre y est constamment plus élevé, à raison de la situation plus basse. Quant aux autres phénomènes météorologiques , il y a peu de différence.

Il est encore bon d'observer que la constitution atmosphérique de la saison qui précéda cette épidémie, fut froide, et que l'on vit prédominer alors les vents du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Quant à l'hiver pendant lequel débuta la maladie, il fut généralement froid et humide. Le printemps, époque où cet exanthème était dans sa plus grande intensité, fut fort variable quant au froid, à la chaleur, à la sécheresse et à l'humidité. Or il est facile de voir que ces mutations, en troublant l'ordre des fonctions de tout le système en général, et de l'appareil cutané en particulier, ne pouvaient guère manquer de concourir plus ou moins fortement au développement de la scarlatine, qui, en effet, se propagea alors parmi les habitants, dont plus de 300 des deux sexes et de différents âges furent atteints. Quare judico, procatharticus prœcipuas scarlatinœ caussas a certis tempestatum mutationibus plerumque dependere. (Marc-Antoine Plenciz , Tract. de scarlat.)

Là, cette affection se montra sous différents caractères, et fut plus ou moins compliquée. Ainsi chez le plus grand nombre, elle était assez simple, et ne se trouvait accompagnée que d'une légère fièvre de nature catarrhale qui, le troisième jour, était suivie d'une éruption de taches rougeâtres et irrégulières, se manifestant d'abord sur la face, ensuite sur le thorax, ainsi que sur les extrémités supérieures et inférieures. La peau n'était que peu gonflée et peu pernicieuse. Les amygdales et l'arrière-bouche plus ou moins tuméfiées, n'étaient que légèrement phlogosées, comme dans une angine catarrhale.

Chez d'autres sujets, et particulièrement chez des adultes, la fièvre concomitante était violente dès l'invasion, et affectait un mode phlogistique prononcé. Elle était compliquée d'une grande céphalalgie, et souvent de délire pendant la nuit. L'inspection de l'arrière-bouche présentait l'aspect d'une véritable esquinancie inflammatoire. L'état de phlegmasie qui se faisait remarquer vers le larynx et le pharynx rendait ces organes douloureux et causait à quelques individus une espèce d'aphonie et une déglutition difficile. L'éruption que l'on pouvait considérer comme confluente, était d'un rouge vif et la peau , âpre au toucher, paraissait tuméfiée. Le pouls était dur, assez fréquent et les urines foncées.

Enfin dans certains cas, il y avait dès le premier stade, prostration des forces et la fièvre concomitante paraissait réellement putride. Bref, au bout de deux jours, et quelquefois plutôt, il survenait à la surface peu tuméfiée de petites taches d'un rouge violet, dont les interstices laissaient apercevoir une couleur pâle. L'intérieur de la bouche offrait des espèces d'escarres gangreneuses et assez étendues. Les symptômes particuliers à l'angine gangreneuse et à l'espèce de pyrexie qui l'accompagne, contractaient , en peu de temps, une grande intensité, et le malade parvenait promptement au danger le plus manifeste. Quelquefois, dès l'instant du frisson et même auparavant, on voyait paraître des escarres profondes (...)

On n'a point observé que la vaccine ait eu aucune influence sur ces affections.

Outre plusieurs petits enfants qui, à Rolampont succombèrent à cette maladie, il périt sept individus au dessus de huit ans, dont cinq ne furent nullement traités (...)

En 1812, la fièvre scarlatine régna encore au village de Rolampont, ainsi qu'à Hûmes, Chanoy et Lannes, différentes communes qui toutes dépendent de Langres. Cette maladie fut simple et nullement dangereuse ; mais elle était fréquemment suivie de douleurs rhumatismales qui cédaient facilement aux purgatifs réitérés. Cet exanthème attaqua alors beaucoup plus de mâles que de femelles (...)

La fièvre rouge fut encore fréquemment observée à Langres en 1813, principalement pendant les mois d'avril et de juin (...)



Source : BAUMES (D. M. M.), Annales cliniques ou recueil périodique de mémoires et observations présentés et lus dans les séances publiques et particulières de la Société de médecine-pratique de Montpellier, Société de médecine-pratique de Montpellier, tome XXXV, Montpellier, 1814, 1° Médecine-pratique. Réflexions sur la fièvre scarlatine, soit sporadique, soit épidémique, observée à diverses époques, tant dans la ville de Langres que dans son arrondissement, par M. Robert, docteur en médecine, ancien conseiller et médecin ordinaire du roi, ancien médecin de l'armée du Rhin, médecin en chef des hospices de Langres et membre du collège électoral de l'arrondissement de la même ville, p. 313 & ss.



Retour vers l'histoire || Index

© jchr 20.02.2009 / MAJ 04.03.2009