Lettre d'adieu de Nicolas Blanchard
guillotiné à Langres le 13 juin 1793
 
TRANSCRIPTION
 
" Nicolas Blanchard, prêtre, de la ferme de Cordamble
le 13 juin 1793.

Mon cher père et ma chère mère, mes frères et soeurs, beaux
frères belles soeurs, et tous mes autres parents et amis,
et ainsi que ceux prennent part à ma situation actuelle, je vous
demande pardon du chagrin que je vous cause aujourd'hui,
mais c'est la Providence qui a tout conduit ; c'est à nous à faire notre
devoir, ne rien faire jamais contre notre conscience, ensuite elle
dispose comme elle veut de nos jours, qu'elle tient entre ses mains, la
mort qu'elle exige que je subisse aujourd'hui à la fleur de mon
âge, doit lui être un sacrifice plus agréable qui si je mourais
dans un âge très avancé. ma vie sera moins chargée de péchés ;
il est vrai que je ne mérite pas même le pardon de ceux que
j'ai commis parce qu'ils sont en très grand nombre, mais il est vrai
aussi que Dieu l'a promis à tout pécheur qui revient droit à Lui,
sincèrement. en quelque temps que ce fût, et j'espère de Lui
cette grâce pour moi.
Ce genre de mort ne doit point vous faire de déplaisir, ni
de déshonneur ; vous seriez obligé tous de combattre jusqu'à la mort
pour la Vérité si le Tout puissant l'exigeait ; je ne suis pas
meilleur que mes pères les Anciens martyrs, ni vous non plus ;
vous serez tous récompensé dans la suite, soit dans ce monde,
soit dans l'autre, de la peine que vous souffrez aujourd'hui
à mon occasion, à condition que les premiers jours de
douleurs passés vous vous réjouirez dans la suite.
Je prie mes frères et soeurs d'être bien unis toute
leur vie ; de ne point se diviser sur tout pour des intérêts
temporels, de faire en sorte cependant que chacun ait
son compte ; qu'ils ne suivent jamais la Constitution
dans tous ce qui est contraire à la Religion Catholique,
apostolique et romaine ; qu'ils ne communiquent jamais avec
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les intrus dans la prière parce que ce qu'ils enseignent
est mauvais, qu'ils instruisent leurs enfants dans cette créance
Romaine, hors de laquelle il n'y a point de salut.
Ne vous laissez pas épouvanter par cette puissance qui
fait maintenant tout trembler, elle n'est que chair, mais ayez bien
attention de ne point troubler l'ordre public ; du reste je ne vous
laisse point de bien ; peut-être que si vous en aviez vous vous
perdriez. Si mon portefeuille est retrouvez il doit s'y trouvez
46 l. que je destinais pour ceux qui en avait le plus besoin ;
si personne ne les a pris, on pourra les faire passer aux gens
de Corgirnon ; le reste est à moi ; je crois qu'il y a bien pour
50 l. de messes que je n'ai pas acquittées, mais il n'y aura qu'à
en faire dire pour cent livres aux Prêtres catholiques en temps
et lieu, tant pour celles que je puis avoir oubliées que pour moi.
S'il se trouvaient quelques livres parmi le peu que j'ai
qui ne soient pas bons pour tout le monde, est que je n'aie pas
eu le loisir de brûler, il n'y a qu'à le faire ; nous nous
recommandons à vos prières nous deux mon compatriote
et moi, et nous ne vous oublierons pas non plus, j'aurais
bien d'autres choses à dire mais j'ai des affaires plus
importantes, je vous prie d'assurer tous ceux qui me
veulent du mal ou qui m'en ont, fait que je leur pardonne
d'un bon cœur, et que je prierai pour eux dans le
Paradis où j'espère aller bientôt, Blanchard prêtre "

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